Une vieille dame qui va fêter ses 170 ans
Née en 1851, la coupe de l'America est le plus vieux trophée du monde. Elle est attribuée au vainqueur d'un duel opposant un defender et un challenger. Le defender, qui remet son titre en jeu tous les quatre ans, choisit le support et le plan d'eau.
Les challengers s'affrontent au préalable pour désigner le meilleur d'entre eux. En 2021, face au defender Emirates-Tean New Zealand, les trois syndicats challengers seront:
- les Italiens de Luna Rossa Prada Pirelli Team
- les Anglais INEOS Team UK
- les États-Unis seront représentés par New York / American Magic.
Sur quel bateau se court la coupe de l'America ?
Historiquement, la coupe s'est disputée en monocoque, mais après deux éditions courues sur des catamarans à foils, le defender a choisi de disputer l'édition 2021 sur un monocoque AC-75. Retour aux sources pour la vieille dame, mais sur une version volante, à savoir un monocoque à foils dépourvu de quille. Le concept présenté en 2017 a laissé de nombreux observateurs sceptiques, mais les premières navigations ont démontré que le support était tout aussi spectaculaire que les catamarans volants.
Ce nouveau foiler mesure 75 pieds (23 mètres) et se hisse sur des appendices dont le « tirant d'eau » est de 5 mètres. Équipé d'un mât de 26,5 mètres, l'ensemble déplace environ 7,5 tonnes. Propulsés par une aile rigide lors de la dernière édition, les bateaux de la coupe sont aujourd'hui équipés de soft wing, qui est une sorte de double grand-voile censée reproduire les performances d'une aile rigide, les contraintes en moins.
Au prés, un AC-75 va évoluer à deux fois la vitesse du vent. Au portant, il évolue à plus de trois la vitesse du vent, avec un plafond aux alentours de 51 nœuds. Le foiler est mené par un équipage de 11 équipiers. Certains éléments comme les bras de foils ou le mât sont monotypes.
La jauge impose un poids minimum de 1,15 tonne pour les foils, bras compris. Donc si un syndicat utilise un foil avec des ailes plus courtes, il doit compenser en le lestant par une ogive en plomb.
Enfin, tout ce qui est dans l'eau (safran, rake de safran et volets de foils) est actionné par l'hydraulique du bord, les batteries étant prévues pour tenir tout une régate. Mais le réglage des voiles est manuel, et régulé depuis les moulins à café actionnés par des grinders.
Team New Zealand : le Defender
Après sa victoire en 2017, Team New Zealand a choisi de disputer la coupe au large de la capitale Kiwi. La baie d'Auckland prend donc le relais des Bermudes, théâtre de la précédente édition. Mise à l'eau en novembre, le bateau du défi néo-zélandais a été baptisé « Te Rehutai », en référence à une expression maorie désignant la force et l'énergie des océans. Skippé par le multiple champion Glen Ashby, sa carène est conçue pour naviguer au ras de l'eau , développant un effet de « skimming ». Les Néo-Zélandais ont opté pour des foils en T, alors que les autres syndicats ont des appendices en « V » inversés. TNZ a également optimisé son aéro en carénant presque entièrement son cockpit.
Les challengers : American Magic , Luna Rossa et Ineos
New York Amercian Magic est le syndicat le plus fortuné des challengers. Avec un bateau mis à l'eau très tôt et un niveau d'entraînement optimisé, c'est le challenger le plus affûté. Les Américains ont été les premiers à mettre un AC-75 à l'eau et également le premier challenger à naviguer à Auckland, sous les ordres de Dean Barker, ancien barreur de TNZ.
Luna Rossa Prada Pirelli Time, mené par Jimmy Spithill, s'est entraîné au large de Cagliari avant de rejoindre les eaux Néo-Zélandaises. À noter que Luna Rossa sera dirigé par deux barreurs, qui resteront chacun de leur côté. Le bateau a été fabriqué au chantier Persico, au même titre que les bras de foils de tous les syndicats.
Le bateau du syndicat anglais Ineos Team UK est barré par Sir Ben Ainsley, multiple médaillé olympique. La carène du syndicat anglais est la plus marquée par le bustle (mini coque), qui est censé favoriser le décollage.
American Magic et Ineos ont choisi de voler haut, avec notamment des carènes très plates qui sont prévues pour voler sans aucun contact avec la surface de l'eau. À l'instar de Team New Zealand, Luna Rossa a choisi de voler un peu plus bas afin de favoriser les écoulements aéro.
Des conditions d'entraînements très stricts
Durant les phases préparatoires, les challengers ont eu le droit de construire deux AC 75 , mais qui ne pouvaient pas naviguer en même temps. Dans le même registre, les concurrents n'ont pas eu le droit de naviguer bord à bord avant la première journée de régate, qui a eu lieu mi-décembre. Aucun entraînement en commun n'était autorisé. Pas facile de se jauger face à ses adversaires dans ces conditions. Ces phases d'entraînements intimistes ont été marquées par deux avaries spectaculaires, qui n'ont pas causé de dommages humains.
Luna Rossa a démâté devant Cagliari dans des conditions musclées.
Team New Zealand a chaviré tout en douceur lors d'un entraînement dans la baie d'Hauraki.
Les Prada ACWS, la première confrontation
Depuis le retrait du partenaire historique Louis Vuiton, les phases préparatoires destinées à désigner le challenger sont sponsorisées par Prada. La première régate entre les AC-75 a eu lieu mi-décembre à Auckland. Team New Zealand a confirmé son statut de favori, mais American Magic a démontré un niveau de performance très proche de celui des Kiwis. Mais cette première confrontation a montré que les nombreuses petites avaries rencontrées étaient très pénalisantes, les vitesses atteintes pouvant très rapidement creuser les écarts.
Les régates officielles débuteront le 17 janvier lors de la Prada Cup, qui sélectionnera le challenger. Puis le match final final entre le challenger et le defender aura lieu à partir du 6 mars 2021.
Gros sous, polémiques et bataille d'avocats
La vieille dame est coutumière des tribunaux et des batailles judiciaires entre syndicats. Cette édition n'échappe pas à la règle. Des membres de l'équipe néo-zélandaise ont été renvoyés pour espionnage. Le syndicat kiwi a été victime de hacking et d'une tentative d'escroquerie informatique. Le defender a changé à plusieurs reprises le choix du plan d'eau, entraînant de facto le dépôt d'une multitude de recours par les challengers.
Quatre syndicats ont jeté l'éponge en cours de route. Les Maltais de Altus Challenge se sont retirés en mai 2019. Le défi Dutch Sails, basé aux Pays-Bas, s'est désisté pour des problèmes de financement. Et bien avant tout ça, le syndicat Team France , mené par Franck Cammas, renonçait faute de partenaires. Un syndicat historique de la coupe, l'américain Stars and Strips , a voulu se lancer tardivement en louant le premier AC 75 fabriqué par les Neo Zed. Mais la pression judiciaire des autres syndicats les a fait renoncer.
En 170 ans d'histoire, la coupe de l'America s'est jouée à la fois sur les plans d'eau, mais également devant les tribunaux, permettant aux meilleurs régatiers ou avocats d'exprimer leurs talents...