Rencontré sur le Salon Nautique de Paris 2017, Franck Cammas a donné un peu plus d'informations sur le futur monocoque volant de la prochaine Coupe de l'America, qui se déroulera en 2021. Le skipper était présent sur le stand du motoriste Suzuki, qui annonçait officiellement le renouvellement de son engagement aux côtés de Team France.
Team France excité par ces monocoques volants
Lorsque les Néozélandais – vainqueurs de la 35e Coupe de l'America – ont annoncé le retour au monocoque pour la prochaine édition de la Coupe, les dents ont grincé… Et notamment du côté des Français, comme nous l'a indiqué Franck Cammas. Un mécontentement transformé rapidement en excitation à l'annonce de monocoques volants.
"J'ai beaucoup râlé avec cette décision de revenir au monocoque, mais beaucoup moins depuis que je vois ce nouveau bateau. Les Néozélandais ont proposé un type de monocoque qui n'est pas du tout comme les gens attendaient. Non pas avec une quille, mais avec deux grands foils, un peu lestés pour ne pas chavirer dans le port, mais capable de se sustenter complètement au-dessus de l'eau. C'est un monocoque qui ressemble à un catamaran, mais avec une seule coque. Mais la façon de piloter ce bateau sera différente, avec des technologies qu'il va falloir utiliser et mettre au point pour faire voler ces bateaux à très haute vitesse et de manière stable. C'est largement au niveau de ce que l'on a pu voir les fois précédentes ! C'est une feuille blanche, et ce sont des nouvelles technologies que l'on va devoir développer. C'est très excitant et c'est une très bonne surprise !"
Tout le monde sur le même pied d'égalité
Avec ces nouveaux bateaux, pour lesquels il faut repartir de zéro, toutes les équipes seront de nouveau sur un même pied d'égalité. "Ceux qui n'ont pas forcément l'expérience seront au même niveau que ceux qui en ont. Aucun bateau ne navigue avec ce concept de design et de vol. On ne sait même pas si ça va marcher comme on l'a vu sur les splendides images de synthèse. Ça va être un vrai challenge pour les ingénieurs d'une part et les marins d'autre part qui vont avoir la chance de naviguer dessus" explique Franck Cammas.
"Ça va être des bateaux qui volent, rapides, qui vont peut-être planter, etc.… Ça va donner, j'espère, des images à la hauteur de ce que la Coupe de l'America peut apporter" continue le marin.
Franck Cammas nous explique l'AC75
Le bateau sera plus grand (75 pieds), voire plus large avec les foils déployés. Les Néozélandais ont surpris tout le monde avec ce concept, qui devait déjà être dans la tête de Guillaume Verdier, architecte qui travaille avec Team New Zealand, mais qui n'avait jamais vu le jour jusqu'à aujourd'hui sur des bateaux qui naviguent. On en saura plus le 31 mars 2018, lorsque les règles seront révélées.
L'AC75 est équipé de deux grandes quilles foils qui sont lestés en bas au niveau des plans porteurs. Ils font 1 tonne et demie chacun et sont lestés pour permettre au bateau arrêté d'atteindre sa vitesse, ce qui permettra aux foils d'agir réellement (car les foils agissent que quand le bateau avance) et au bateau d'accélérer. S'il n'y avait pas eu ce genre de poids ou de quille, le bateau aurait juste chaviré à l'arrêt. Par rapport, un IMOCA a une quille qui fait 3 tonnes. Sur l'AC75, quand on additionne le poids de ces 2 quilles, on retrouve environ le poids de celle d'un IMOCA.
Dès que ça accélère le bateau s'appuie sur le foil sous le vent et finit par voler, tandis que le foil au vent est rétracté pour ne pas trainer dans l'eau et va faire du moment de redressement avec ces 1,5 tonne, très au vent. Comme un équipage au trapèze sur les petits bateaux ou Moths.
Comme on le voit sur les images 3D, les déplacements et la navigation paraissent faciles à faire. On peut faire des virements et des empannages sous foils sans toucher l'eau. Comme ce qu'on essayait de faire et réussi sur multicoque.
Une des différences avec le Class AC, c'est qu'il y a 10 à 12 équipiers à bord, ce n'est pas encore défini à bord. De même, le mât n'est pas tout à fait un mât aile mais une voile qui peut s'affaler pour des problèmes de logistiques et qui sera plus performante en termes d'aérodynamique. Ça ne sera pas une vraie aile.
Pour actionner les foils, on peut imaginer que ce sera la même chose que sur une quille basculante. Puisque ça fonctionne un peu de la même manière, en relevant et en abaissant les foils. On devrait donc avoir un vérin type quille basculante de 70 pieds ou d'IMOCA avec un bouton. On peut s'imaginer utiliser l'énergie humaine accumulée dans des incubateurs hydrauliques ou une aide batterie, comme sur les IMOCA. Ce qui risque d'être le cas, car on aura besoin de plus d'énergie que sur les AC50 et il faudra sans doute être aidé un peu.